La ligne d’arrivée la plus émouvante au MIUT de Madère

Machico – Le podium d’arrivée se dresse dans la baie de Machico, au bord de l’océan Atlantique. Madeira Island Ultra Trail. Le MIUT, dans sa version de 42 kilomètres, est une épreuve particulièrement difficile par la technicité de son tracé et ses innombrables marches d’escaliers. Mais quelle émotion de pouvoir franchir l’arrivée d’une épreuve qui marque par le côté professionnel de son organisation.

Le MIUT fait partie des plus belles épreuves du circuit mondial du trail. S’inscrire à la course relève déjà d’une première difficulté, puisqu’il faut décrocher l’une des 700 places octroyées aux candidats à l’inscription pour l’épreuve de 42 kilomètres. En quinze minutes à peine, tous les dossards sont attribués. Plus de six mois avant les hostilités…

C’est une particularité du MIUT. Tout est fait pour faire grandir l’enthousiasme avant le départ. Il y a cette atmosphère qui règne avant même l’arrivée sur l’ile. Les 3000 concurrents des différentes courses empruntent forcément le même moyen de transport. A Bruxelles, déjà, on croise plusieurs Belges qui vont défier les « single track » de l’ile aux fleurs. Mais dès l’embarquement à Lisbonne, il n’est plus permis de douter: il n’y a pratiquement que des « traileurs » dans les différents vols qui relient la capitale portugaise à l’ile de Madère. Certains ont même déjà les chaussures aux pieds et le sac sur le dos. Abreuvés par des boissons énergétiques.

A l’aéroport international Cristiano Ronaldo de Santa Cruz, tout le monde converge vers le petit village de Machico. Il est situé au centre d’une petite baie au bord de l’océan, d’où il est permis d’assister à de jolis levers de soleil. Au bord de l’océan, sous les palmiers, les organisateurs ont installé leurs quartiers et le podium d’arrivée au bout d’une longue voie où prendront place des dizaines de spectateurs pour applaudir les différentes arrivées. Rien que d’imaginer cette arrivée, c’est grisant ! Le stress positif est là, l’émotion monte petit à petit face à l’ampleur du défi. Suis-je assez fort pour défier le MIUT42 ? Vais-je digérer ces innombrables escaliers ? Est-ce que j’ai le calibre pour disputer une telle course parmi des concurrents qui semblent tous plus affûtés que moi ?

Funchal est devenue une fourmilière de traileurs. Deux jours avant le départ de la course, ils sont partout ! C’est comme s’il était impossible de les retenir. Ils ont tous déjà le t-shirt de la course sur les épaules. Prêts, comme jamais ! C’est aussi le côté « pro » de la course qui marque. Au retrait des dossards, chaque concurrent est reçu avec la plus belle attention. Contrôle de l’identité, placement d’un bracelet, contrôle du sac et placement d’une balise avant d’obtenir le dossard et le kit du participant. Impressionnant. Un accent particulier est mis sur la sécurité. L’hôpital de l’ile avait même pris le soin d’envoyer un questionnaire médical préalable, prêt à recevoir chaque accidenté dans les meilleures conditions.

Les bus nous déposent dans le petit village de Monte, plus connu pour la splendeur de son jardin botanique et pour être le lieu de départ des descentes en traineaux en osier. L’ambiance monte d’un cran. Le sas de départ s’ouvre. Plus moyen de reculer. On enlève une couche superficielle et on dépose le sac de délestage qu’on retrouvera à l’arrivée. Décompte et coup d’envoi. Après le passage sous l’arche, il y a déjà des dizaines de personnes massées au bord de la route. Elles crient et applaudissent ! Cette ambiance exceptionnelle, on la retrouvera aux différents points de passage. La gentillesse des gens de l’ile touche. Leur enthousiasme débordant est un réel soutien.

Madère est un petit paradis sur terre, où l’on se sent bien. Il y a la douceur des gens, la cuisine avec son bolo de caco, ses poissons et ses viandes grillées.

Les marches d’escaliers que l’on retrouve partout sur les sentiers sont bien redoutables. Il y a d’abord ces « demi-marches » en pierre de lave, où il est difficile de trouver la bonne cadence sans mal poser le pied. J’avais prévu d’aborder les dix premiers kilomètres de façon tranquille afin de digérer les 1080 premiers mètres de D+. Mais les « puls » sont bonnes, j’attrape le bon rythme en montée et je sens le corps chauffer idéalement pour me lancer dans un bon rythme. Ce premier effort est anéanti par un bouchon au bord d’une falaise. Les concurrents hésitent à mettre les pieds dans l’eau. Quinze minutes perdues et obligation de sortir la veste pour ne pas refroidir. Au premier ravitaillement de Chão da Lagoa, je prends le temps de charger les contenants. Pierre, énervé après avoir cassé un bâton, y arrive deux minutes après moi et choisi de repartir aussitôt. On se suit. Il sent la difficulté, je suis « bien » et je le motive à s’accrocher, car le plus « facile » reste à venir. Le parcours vers le ravitaillement suivant est essentiellement en descente mais cela ne se sent pas. Les chemins sont très techniques dans le Parque Ecológico do Funchal et les nombreux escaliers cassent les jambes. J’arrive à « choper » la technique pour franchir les plus grosses marches: se servir des bâtons comme de balanciers et amortir les plus gros chocs. Au 20e kilomètres et au ravito de Portela, je choisi d’enlever ma chaussette pour vérifier qu’un Compeed n’a pas glissé. Pierre a rangé ses idées d’abandon au fond du sac et a pris les devants.

Je vais faire la plus grosse erreur de ma course dans les kilomètres suivants. Elle va conditionner la fin de ma course. La descente vers Porto da Cruz est incroyablement technique. Motivé par l’idée de rejoindre mon habituel binôme, avec lequel nous avions cependant convenu de ne pas nous accrocher déraisonnablement, j’accélère dans la descente. Les demi-marches sont irrégulières. J’encaisse les chocs des marches sur le genou gauche. Les cuisses forcent. Et après deux kilomètres, je me rends compte qu’elles ont bien encaissé, dans cette descente où il faut « freiner » pour ne pas se laisser emporter. Je viens de me brûler les jambes, dans la plus courte section entre deux ravitos. Pierre annonce qu’il lui sera probablement impossible de courir encore pendant les quinze derniers kilomètres. Je suis du même avis. La stratégie de se laisser glisser vers l’arrivée en courant à faible rythme va sans doute se transformer en rando-trail. La descente en bitume vers le dernier ravito de Porto da Cruz achève de nous convaincre: les cuisses et les genoux sont éprouvés comme jamais. Note pour l’avenir: alterner les prises de chocs entre les deux jambes.

Après Porto da Cruz, il reste 15 kilomètres et 400 mètres de D+ à digérer. On longe l’océan, c’est magnifique. Puis, on monte des escaliers avant de rejoindre une corniche qui, sur plusieurs kilomètres d’un « single track », nous offre la splendeur des paysages du nord de l’ile. Nous sommes aussi dépassés par les concurrents des courses plus longues. Les encouragements sont nombreux. Nous ne sommes pas les seuls à « rouler » à l’économie. Les organismes ont morflé. On en « chie », mais qu’est-ce que l’arrivée sera bonne. Dans la difficulté, on se lie d’amitié avec des gens qu’on ne reverra plus par la suite. Tapes sur les épaules. C’est la magie du trail !

Les « levadas » de Madère sont particulièrement réputées. Une levada est un canal d’irrigation destiné aux différentes productions agricoles de l’ile. Ces levadas forment un vaste réseau. Le parcours les suit très souvent. La descente finale emprunte ces levadas dans la vallée qui conduit vers Machico. L’eau s’écoule dans le sens de la descente. Ah, bon ? Oui, on en viendrait presqu’à en douter. Parce que la pente est si faible, parce que l’organisme est tellement vidé de ses dernières forces, que le chemin donne l’impression de monter, encore et encore…

Au bout de la dernière levada, mon genou marque sa saturation. S’il plie encore, c’est au prix d’une importante douleur. La descente finale vers Machico est une torture. A chaque pas, je ne peux retenir un cri de douleur. J’en arrive à la conclusion que ma distance maximale sera bien un 42 kilomètres. Viser plus haut serait une folie. Les derniers escaliers sont enfin digérés. Un concurrent me dépasse et me donne la force d’y arriver. « Au mental, au mental ! », crie-t-il.

La récompense est là. Cette ligne d’arrivée, ces applaudissements, cette émotion intense qu’on ressent jusque dans les tripes et la joie de passer la ligne d’arrivée, les bras levés en signe de victoire. Car franchir la ligne d’arrivée du MIUT, c’est bien une victoire personnelle. Inoubliable !

Au final, j’ai couru 43,01 kilomètres, avec 1701 mètres de D+ et un peu plus de 2200 mètres de D- en 9h33. J’ai réalisé 52 732 pas et j’ai grillé un peu plus de 4000 calories sur cette course. Garmin m’indique que j’ai transpiré un peu plus de 7 litres.

Madère est un petit paradis sur terre, où l’on se sent bien. Il y a la douceur des gens, la cuisine avec son bolo de caco (pain chaud beurré à l’ail), ses poissons et ses viandes grillées. Un délice. A l’année prochaine ! Mais… sur 42 ou 60 kilomètres ? Le Pico Ruivo me fait de l’œil…

Photos: MIUT – Cano Fotosports


Pour revivre notre course:

Caméra embarquée

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